"La culture n'est pas un luxe"

Hausse de la TVA en Espagne : conséquences pour la culture 

Comme le raconte aujourd'hui Libération, les temps sont très durs en Espagne (voir aussi le diaporama ici).

Et dans le monde de la culture, la décision du gouvernement d'augmenter la TVA inquiète les acteurs culturels.

La hausse de la TVA passera de 8 % à 21 % en septembre sur le prix des entrées  :

- des salles de cinéma,

- des théâtres,

- des festivals de musique,

- des concerts,

- des musées privés.

Pour le secteur du cinéma déjà en crise (l'année dernière le nombre d'écrans de cinéma est passé de 4.200 à 3.800), le risque est que cette mesure provoque la fermeture de salles.

Hier, les professionnels de la culture ont manifesté en face du Ministère de la Culture, dont l'acteur Javier Bardem, sous le slogan "la culture n'est pas un luxe" : 
http://elpais.com/cultura/2012/07/19/actualidad/1342721488_710978.html

Aujourd'hui, à l'occasion d'un article à paraître dimanche dans le quotidien national El País pour poursuivre la mobilisation dans le secteur culturel, des personnalités sont venues se faire photographier au Matadero, dont le réalisateur Pedro Almodovar. 

L'article et la photographie sont en ligne ici. 

 

Une entreprise pour la gestion des théâtres

Le « Gobierno de las Artes » (Affaires culturelles de la Ville de Madrid) est doté d’une entreprise municipale, sous forme de S.A., dont le capital est détenu à 100% par la ville : « Empresa Municipal Madrid Arte y Cultura » (MACSA), pour la gestion des théâtres municipaux, de la partie évenementielle du Conde Duque, du Matadero en partie, de Centrocentro et du Palais de Cibeles (pour la privatisation de certains des espaces de l'Hôtel de Ville), ainsi que l’organisation d’événements culturels, comme Veranos de la Villa.

Théâtre Espagnol

Tout comme au sein des Affaires culturelles de la Ville de Madrid, les équipes sont assez nouvelles chez MACSA.

Pour mémoire, la Maire, Ana Botella Serrano (Parti Populaire), a remplacé Alberto Ruiz-Gallardón (mandats de 2003 à 2011), nommé Ministre de la Justice dans le Gouvernement de Mariano Rajoy (fin 2011).  Elle a nommé un nouvel adjoint à la culture Fernando Villalonga Campos, qui lui-même a recomposé l'equipe des Affaires culturelles, avec comme directeur général Timothy Chapman. L'organigramme est ici.

Il en est de même chez MACSA, l'organigramme est en pleine évolution. J'ai rencontré Yolanda Bergareche, directrice de l'entreprise culturelle depuis quelques mois.

 

Présentation et objet social de MACSA

Créée en 2004, MACSA a été pensée pour simplifier la gestion au quotidien des théâtres municipaux. Au fur et à mesure de la création des nouveaux équipements, ses activités se sont développées et son rôle s'est accru.

MACSA gère pour le compte de la Ville les programmes et les activités culturelles et artistiques (programmation, organisation et promotion),  ainsi que certains établissements culturels de la Ville, théâtres et centres culturels, qui sont :

- le Theâtre Espagnol, théâtre de la Ville historique repris par la municipalité en 1981, et depuis juin 2007 les salles du Matadero, qui lui sont rattachées :  les "Naves del Español"

- le Théâtre Fernán Gómez - Centre d'Art, anciennement Centre culturel de la Ville

- le Théâtre Circo Price, créé en 2006, dédié au cirque, qui de fait est devenu la salle de concert municipale (une grosse partie des concerts de Veranos de la Villa a lieu dans cet espace cette année)

- en 2010, suite à la mise en service du nouvel Hôtel de Ville au Palais de "Cibeles" et à la création du centre culturel Centrocentro dédié à la Ville, la gestion de ces deux entités est venue s'ajouter au cahier des charges de MACSA, dont les locaux sont d'ailleurs aussi à Cibele

- certains espaces du Matadero : Abierto x Obras, Nave 16, Taller, Plaza y Calle Matadero, Intermediae (en partie) depuis 2012, Cineteca et las Naves del Español, comme vu ci-dessus.

- le Centre culturel numérique Medialab Prado depuis 2012

- depuis peu les activités du Conde Duque, arts de la scène, expositions, événements (ouvert en 2011)

MASCA met en œuvre également les festivals et événements culturels de la Ville de Madrid que sont les Veranos de la Villa, le Festival de Jazz, les Festivités de Noël, le Carnaval, les Fêtes de San Isidro, etc.

 

Budget et organisation

La plus grande source de financement pour MACSA est la subvention que la Mairie lui octroie chaque année (plus de 26.000.000 d'euros en 2011). Les autres ressources viennent principalement des ventes de billets, des recettes des tournées des spectacles produits dans les lieux gérés par MACSA et de la location d'espaces.

Compte tenu de la gestion de nouvelles entités en 2012 (Matadero en partie, Medialab Prado et Conde Duque) et de l'augmentation de l'activité, il était prévu une subvention de plus de 33.000.000 euros de la Mairie à MASCA pour 2012.

Or comme vu dans l'article sur les musées, le budget de la culture de 2012 ayant perdu 10 % du prévisionnel approuvé en décembre (102,8 millions d'euros sont affectés à la culture cette année alors que 115 étaient prévus initialement), celui de MACSA se voit amputé de 36 % : la subvention de la Ville est baissée à 25.000.000 euros, une situation très tendue qui impose à MACSA une mutualisation des moyens plus forte et qui n'est pas sans incidence sur les ressources humaines (voir l'article d'El País du 17 juillet). 

La mutualisation des moyens passe par une nouvelle Direction chargée de la programmation artistique (musique, danse et théâtre) pour tous les théâtres et les centres culturels cités ci-dessus, excepté le Circo Price, ainsi que la création d'une Direction du Développement et de la Promotion, pour une recherche de partenariats, de mécénats et de privatisations d'espaces renforcée et stratégique.

Le contexte économique global ne rend pas la tâche aisée aux nouvelles équipes.

A suivre...

Naves del Español au Matadero

 

 

Un mode de gestion à rapprocher de celui de la Ville de Lisbonne

L'année dernière, dans le cadre de l'amitié forte qui existe entre Paris et Lisbonne, les Relations internationales de la Ville de Paris ont travaillé  avec l'entreprise municipale culturelle de Lisbonne : EGEAC. En effet, le Théâtre de la Ville a présenté, du 7 au 11 juin 2011, une exposition inédite à Paris sur Amália Rodrigues (1920-1999), chanteuse de Fado portugaise de renommée internationale, ainsi qu’une soirée, le 10 juin (jour de la Fête nationale du Portugal) réunissant sur le plateau les monstres sacrés chanteurs de Fado, toutes générations confondues. L'EGEAC était notre interlocuteur direct pour la Ville de Lisbonne dans l'organisation de ces deux évenements à Paris.

Tout comme MACSA, EGEAC, Entreprise de Gestion d'Equipements et d'Animation Culturelle, sous la tutelle du Conseil municipal de Lisbonne, est chargée de la gestion de différentes institutions culturelles de la Ville, théâtres, centres culturels et musées :
le château de São Jorge, le Cinéma de SãoJorge, Théâtre Municipal Maria Matos, Musée de la Marionnette, Musée du Fado, Palais Marquês de Pombal, Palais Marquês de Tancos, São Luiz Théâtre Municipal et Théâtre Taborda... 

EGEAC est aussi responsable de la programmation d'événements comme les Fêtes de Lisbonne, le Carnaval de Lisbonne, les Concerts de Noël...

Matadero et Madrid Río récompensés à Barcelone

Le Fadfest est le festival de Design de Barcelone, un des plus importants et sûrement le plus prestigieux d’Espagne.

FAD, qui siginifie “Fomento de las Artes y del Diseño”, est une association fondée en 1903 pour la promotion du design et de l’architecture dans les sphères économique, culturelle et sociale d’Espagne. FAD attribue, chaque année depuis 1958, des prix en architecture, design graphique et communication visuelle, design insdustriel, mode, art et artisanat.

Madrid Río primé

 

La semaine dernière Madrid Río a reçu le prix FAD dans la catégorie “Ville et Paysage”. Le jury de cette 53e édition a reconnu dans ce projet “une intervention urbaine difficile et ambitieuse, conçue avec cohérence et exécutée avec rigueur, dont la richesse et la complexité créent un nouveau paysage urbain capable de modifier l'identité d’une ville”.

Ce prix vient s’ajouter à la 10zaine d’autres tant nationaux qu’internationaux que Madrid Río, réalisé par les agences d’architecture et de paysagisme Burgos & Garrido, Porras La Casta, Rubio Álvarez Sala y West 8, a reçu depuis son ouverture, il y a à peine plus d’un an. Madrid Río vient aussi d’obtenir le prix International Architecture Award 2012, du Chicago Athenaeum of Architecture and Design  et du European Centre for Architecture Art Design and Urban Studies.

 

 

La Matadero primé dans son ensemble

Le Matadero a reçu le Prix FAD de l’architecture cette année. C’est la première fois que le prix FAD d’architecture est attribué à plusieurs agences, qui toutes représentent aujourd’hui la nouvelle architecture madrilène. En effet, depuis 2007, la rénovation des espaces  du Matadero s’est faite progressivement en faisant appel pour chaque entité à des architectes différents. Chaque projet tout en respectant l’architecture industrielle d’origine a apporté innovation technique, expérimentation et création.

Initialement, deux des bâtiments les plus récents, la Nef de la musique, ouverte en octobre 2011, et la Nef 16, ouverte au printemps 2011, devaient être primées mais c’est finalement le projet Matadero dans son ensemble qui a reçu le prix de l’Architecture pour, selon le jury, "l’intelligence collective". La Nef 16 a reçu le prix spécial du public.

Deux projets liés

Ces deux projets, le long du fleuve Manzanares, Madrid Río et Matadero, ont changé l’image de la Ville, créant de véritables espaces de loisirs, de détente, de culture et de création. Fin juin, deux ouvertures, qui depuis le Matadero conduisent au fleuve ont été inaugurées, par la Maire de Madrid, Ana Botella, véritable trait d'union entre ces deux projets, qui n'existait pas encore.
Le Matadero affiche désormais “con vistas al río” : avec vues sur le fleuve. Les accès sont ouverts tous les jours de l'année, de 9h à 22h, comme une rue passante et ouverte à tous.

Madrid Río et Matadero, deux espaces récemment primés, et nouvellement interconnectés et indissociables l'un de l'autre, qui à l'avenir pourront développer des projets communs, se nourrir l’un et l’autre, et dépasser leur propre frontière...

Les musées en question

Alors que l'Etablissement public des musées de la Ville de Paris a tenu jeudi dernier son premier conseil d'administration, Ana José Santos Aramburo, directrice des bibliothèques, des archives et des musées, aux Affaires culturelles de la Ville de Madrid s'est exprimée aujourd'hui, lors de la Commission des Arts, sur la question des musées municipaux, entre autres sujets.

L'occasion pour moi de présenter ici  les musées municipaux de la capitale espagnole (suite à mon entretien et suite à ce communiqué) et leur triste actualité de ce jour : un musée va être fermé.   

Musée San Isidro, musée des Origines

Les musées municipaux : une offre hétérogène, des changements en vue... 

Déclinés autour de trois grands thèmes (Origines, Histoire et Art contemporain), les musées de la Ville, historiquement sept institutions, permettent d'appréhender l’histoire et l’art de la ville.  Le public peut à la fois admirer les célèbres fresques de Goya, dans l’Ermitage de San Antonio de la Florida , voyager dans l’Ancienne Égypte au temple de Debod, apprendre l’histoire de la ville ou encore découvrir l'art contemporain.

En 2011, les musées de la Ville ont accueilli 680.000 visiteurs, alors que 4 établissements sur 7 étaient totalement ou partiellement fermés. Visites des collections et des expositions sont gratuites, tout comme les activités proposées au public. Les musées font peu de publications.

 

"Museos de Madrid" : trois thèmes, sept institutions historiques

 

LES ORIGINES

- le Musée des Origines (ancien Musée de San Isidro, qui devrait finalement reprendre sa première dénomination "Museo San Isidro", avec en sous-titre, "Musée des Origines"), situé au cœur de la vieille ville, présente le patrimoine archéologique de la ville, l'histoire de la capitale, de la préhistoire à l'Age d'or de Madrid. Il évoque la vie de San Isidro, le Saint Patron de la Ville. Ce musée, inauguré en décembre dernier, est partiellement ouvert. Est actuellement visible la partie du Paléolithique. L'ouverture totale est prévue pour 2013 : du Néolithique au Moyen Age. Ce musée a reçu en 2011 44.991 visiteurs et organisé 203 ateliers. J'ai visité ce musée avec son directeur Eduardo Salas Vasquez.



Le musée San Isidro partiellement en travaux



Cours intérieure du musée San Isidro



- le Temple de Debod est un temple égyptien ancien de plus de 2.000 ans, transporté pierre par pierre d’Égypte puis reconstruit en 1968 sur la colline du "Principe Pio". Ce monument appartient à l'Etat, qui en a confié la gestion à la municipalité.

L'HISTOIRE 

- le Musée d’Histoire (dénommé Musée Municipal, le plus ancien des musées de la ville inauguré en 1929), dédié comme son nom l'indique à l'histoire de la capitale, se situe dans l'ancien hospice de Madrid. Ses collections, près de 60.000 œuvres, débutent en 1561, date à laquelle Madrid devint capitale. Il est fermé depuis 2008. Ana José Santos Aramburo a confirmé l'objectif prioritaire de la Ville de réouvrir ce musée, deux premières salles avant la fin de l'année 2012 et l'ouverture totale en 2014.

- l’Ermitage de San Antonio de la Florida  renferme une des œuvres majeures de Francisco de Goya de la fin du XVIII^ème siècle.

ART CONTEMPORAIN

- le Musée d’Art contemporain est situé au Conde Duque. Inauguré en novembre 2001, ce musée présente les œuvres d’art contemporain acquises par la Mairie de Madrid depuis 1980, soit plus de 200 œuvres. Il est fermé pour travaux depuis avril 2010. Aucune date d'ouverture n'a été annoncée ce matin, peut-être deux salles d'ici la fin de l'année.

-  le Musée d’Art Public (ancien Musée de Sculpture en plein air construit en 1970) se compose de 17 sculptures d’artistes espagnols, dont Eduardo Chillida, Joan Miro, etc., situées en plein air sous le viaduc de la rue Juan Bravo.

Le septième musée, celui de la Ville, a été présenté aujourd'hui par Ana Santos comme le musée qui va fermer ses portes, au regard des coupes budgétaires que la municipalité madrilène a dû opérer compte tenu de la crise. Le budget de la culture de 2012 a en effet perdu 10 % du prévisionnel approuvé en décembre : 102,8 millions d'euros sont affectés à la culture cette année alors que 115 étaient prévus initialement. Le budget des musées se retrouve aujourd'hui à 6,8 millions d'euros (pour un prévisionnel de 8,8 millions d'euros).

Ouvert en 1992, par l'ancien maire José Maria Alvarez del Manzano (1991-2003), le musée de la Ville est dédié à l'évolution de la capitale. Il aurait besoin d'un investissement de taille,  inconcevable en ce moment. Les œuvres (essentiellement des maquettes) seront redéployées dans d'autres collections (au musée San Isidro ou encore au musée d'Histoire), le bâtiment accueillera le siège de la Direction de l'Economie et de l'Emploi de la Ville de Madrid, qui loue actuellement des bureaux au 24 de la Gran Via. Il semble que le sort de ce musée était déjà discuté : l'ancienne équipe municipale avait tenté de redynamiser l'établissement en y installant la Bibliothèque de la Ville, sans succès apparemment. 

A ce réseau composé initialement et historiquement des 7 musées évoqués ci-dessus, viennent s'ajouter :

- Le planétarium de Madrid, ouvert en 1986, seul établissement payant du réseau.

- Le "Castillo de la Alameda", le château d'Alameda, monument vestige de l'architecture militaire du XVe siècle.

- La Muraille arabe, qui date du IXe siècle, actuellement fermée au public.

- Le "Arden 0", le Quai 0, centre d'interprétation du métro de Madrid.

- L'Imprimerie municipale, musée dédié à l'imprimerie de la Ville et aux Arts du livre, que j'ai visité avec son directeur, José Bonifacio Bermejo Martin. C'est le dernier né des musées de la Ville, puisqu'il a ouvert ses portes cet hiver.

- Le musée ABC, qui s'intègre à ce réseau de manière atypique puisque le bâtiment, première fabrique de bière Mahou (édifice de 1900), rénovée pour l’occasion, appartient à la Ville de Madrid. La gestion a été confiée à la fondation ABC, qui détient toutes les illustrations du journal du même nom depuis sa création en 1891. Ce nouveau musée ouvert il y a plus d'un an compte plus de 200.000 dessins et illustrations dans ses collections, des originaux publiés dans le journal ABC. Ce musée est dédié à l'illustration et présente plusieurs expositions par an.

En conclusion, on peut dire que l'offre muséale de la Ville de Madrid est fragilisée par les récentes baisses de budgets, le réseau des musées, encore jeune dans son histoire, reste à consolide, et son identité à affirmer, face aux géants en face que sont le Prado, le Reina Sofia ou encore le Thyssen.